Projet Scriptorium
Steve Berthiaume
Oeuvre performative
et installative
2010

« Bien informés, les hommes sont des citoyens;
mal informés ils deviennent des sujets. »

- Alfred Sauvy


En souscrivant à un art engagé, lequel suscite une réflexion sur les notions du pouvoir, le Projet Scriptorium aborde celles-ci par l’entremise des enjeux de l’information et des tenants du pouvoir médiatique.

Plusieurs journaux à travers le monde sont en difficultés depuis quelques années en raison d’une « crise des médias », portée par une récession publicitaire issue d’une importante mutation de la presse. De grandes métropoles du monde voient leurs journaux disparaîtrent alors qu’au Québec, La Presse et le Journal de Montréal vivent de graves soubresauts structurels. Également, la concentration des médias se retrouve de plus en plus entre les mains de puissants conglomérats économiques, souvent imbriqués au pouvoir politique. Rupert Murdoch, magnat de News Corporation, une des plus grandes entités médiatiques internationales est un bon exemple alors qu’au Québec, Pierre Karl Péladeau de Quebecor Media et Paul Desmarais de Power Corporation sont les principaux acteurs de ce dictat. Le Projet Scriptorium vise plus spécifiquement l’empire Desmarais comme symbole d’un réseau mondial d’influences diffusant leur propagande économique et politique via la ligne éditoriale de leurs différents journaux.

Le Projet Scriptorium se divise en deux volets. D’une part, par l’appropriation d’exemplaires du Métro, journal distribué gratuitement à Montréal et dont Power Corporation a une participation minoritaire, je modifie la facture manuellement pour y inscrire un message personnel et unique que je remet à des passants lors d’interventions publiques ciblées. Par ce processus de « contamination urbaine », j’imprègne ce média et son information standardisée d’une sensibilité propre, tant par le message manuscrit qui s’y retrouve que par l’échange relationnel provoqué. Ce contact humain devient ainsi un acte de résistance à la logique néolibérale véhiculée par Desmarais, dégagée de tout affect.


Le deuxième volet implique la création d’un immense journal déployé sur un plan et qui reprend la mise en page de La Presse. On y retrouve la superposition de trois strates de réseaux. Une première constituée d’une trame d’articles publiés et interreliés sur la famille Desmarais et Power Corporation. Un deuxième réseau de type organigramme porte sur les différentes ramifications et relations internationales retrouvées dans l’entreprise. Finalement, une troisième strate formée de phrases manuscrites tirées des messages personnels délivrés par la distribution des journaux issus de la phase performative du projet. Ce dernier réseau sera complété au cours d’interventions prédéterminées pendant la tenue de l’exposition. Par l’accumulation de ces trois réseaux, je désire recréer une vision d’inspiration deleuzienne (Mille Plateaux, 1980) du déploiement rhizomique de l’empire Desmarais et de la «guérilla de communication» que l’individu peut y opposer.